La crise financière qui frappe les seules écoles secondaires de langue française en Ontario, soit les collèges privés catholiques, s’aggrave au cours des années 1960. Plusieurs ferment leurs portes alors que l’avenir des autres est menacé. Des voix de plus en plus nombreuses, notamment parmi les Franco-Ontariens issus des high schools bilingues, s’élèvent pour réclamer une école secondaire de langue française publique, accessible à tous.
La communauté reste toutefois fortement divisée sur la question. Plusieurs ne peuvent se résigner à ce que l’on dissocie l’éducation en français de ses éléments catholiques traditionnels. Il faudra l’intervention de l’archevêque d’Ottawa, Mgr Joseph-Aurèle Plourde, pour calmer le jeu : faisant preuve de pragmatisme, il invitera clercs et laïcs à unir leur force pour assurer une éducation en langue française, fusse-t-elle non confessionnelle. S’enclenchera dès lors le processus qui, dans la foulée des recommandations du Comité Bériault, mènera, en juillet 1968, à l’adoption d’une législation permettant aux conseils scolaires publics de la province de créer des écoles secondaires de langue française.
C’est ainsi qu’à l’automne 1971, l’école secondaire publique De La Salle prend le flambeau de l’Académie De-La-Salle accueillant les élèves qui fréquentaient le Couvent de la rue Rideau, le Couvent du Mont Saint-Joseph et l’Académie De-La-Salle. L’école secondaire Notre-Dame-de-Lourdes, ancien pensionnat des Filles de la Sagesse, devient l’école secondaire Belcourt et accueille ses premières élèves, elle aussi, en 1971. À peine dix ans plus tard, 10 000 élèves francophones fréquentent onze écoles secondaires publiques de langue française, sans compter les 4000 élèves inscrits dans des classes de langue française au sein des high schools anglophones.
Mais, coup de théâtre, en 1984 : fruit d’un lobby intense de la part de la communauté catholique de langue anglaise, le gouvernement conservateur de Bill Davis, à la surprise générale, présente un projet de loi qui assure le parachèvement du système d’écoles séparées catholiques jusqu’à la fin du secondaire. La belle unanimité qui régnait depuis quelques années sur la nécessité de se doter d’un seul système scolaire francophone constitué d’écoles élémentaires catholiques et d’écoles secondaires publiques ne tient plus. Les conseils scolaires publics et catholiques se livreront dès lors une concurrence sans merci pour développer chacun leur réseau.
Le paysage institutionnel d’Ottawa reflète cette dualité. À Orléans, par exemple, l’École secondaire catholique Béatrice-Desloges cohabite avec l’École secondaire publique Gisèle-Lalonde. Les deux écoles incarnent deux figures féminines héroïques du combat pour les droits scolaires des francophones à Ottawa : la première ancrée dans le passé et la tradition, la seconde représentant les luttes récentes et contemporaines. Les uns y voient une triste rivalité, les autres une heureuse complémentarité.