C’est en 1984 que paraît Angel Square, un roman-jeunesse écrit par l’auteur ottavien Brian Doyle. Au fil du récit, l’auteur met en scène les péripéties d’un jeune Irlandais d’Ottawa du nom de Tommy, accompagné de ses deux amis : « Coco » Laframboise, un Canadien français et Sammy Rosenberg, un Juif. Leurs tribulations prennent place autour d’un lieu central de la vie de la Basse-Ville : le parc Anglesea, ayant depuis été rebaptisé Jules-Morin, mais mis en récit sous le nom d’Angel Square. Cet ouvrage dépeint de façon imagée l’une des facettes de la réalité vécue par les résidents de la Basse-Ville d’Ottawa dans la période d’après-guerre.
Si, à partir du XIXe siècle, le quartier s’est inscrit dans le paysage de la ville comme un secteur ouvrier à forte présence francophone, il n’en demeure pas moins un espace en mutation où se sont matérialisées les rencontres interculturelles. Ainsi, Angel Square nous amène à découvrir un quartier populaire où se côtoient au quotidien Canadiens français, Juifs et Irlandais :
À Angel Square, il y a trois écoles.
D’un côté se trouve l’école du frère Brébeuf, où vont tous les Canadiens français. Mais personne les appelle des Canadiens français. On les appelle Pea Soups.
De l’autre côté d'Angel Square, on trouve l’école de York Street, où Sam et moi allons. La plupart des gens qui vont à cette école sont de familles juives. Pas moi. Moi, je suis rien. Tout le monde les appelle les Juifs.
Du troisième côté de la place se trouve l’école St. Brigit of the Bleeding Thorns, où vont les Irlandais catholiques. Mais personne les appelle comme ça. Tout le monde les appelle Dogans.
Ainsi, quatre fois par jour, la plupart des Pea Soups, des Juifs et des Dogans tentent de traverser Angel Square, en marche vers la maison ou vers l’école.
Illustrant les tensions latentes pouvant résulter du contact parfois difficile entre ces communautés, le roman de Brian Doyle se veut avant tout rassembleur. Les trois protagonistes du récit que sont Tommy, Sammy et Coco, appartenant chacun à un groupe culturel distinct, surmontent leurs différences et travaillent ensemble afin de résoudre un crime malheureux, soit l’agression du père du jeune Sammy Rosenberg.
Entre la réalité et la fiction, Angel Square a également été adapté au Studio du Centre national des Arts pour la première fois en 1987, ainsi qu’au cinéma en 1990. Tout en marquant l’imaginaire d’une génération de résidents de la Basse-Ville d’Ottawa, francophones comme anglophones, Angel Square a su, d’une certaine manière, rendre compte de la diversité qui a animé, et anime toujours, ce quartier historique de la capitale.
1 Brian Doyle, Angel Square, Groundwood Books, Toronto, 1984, p. 13-14, traduction libre.