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Profession : traducteur

S’il est un métier où les Ottaviens ont laissé leur marque, c’est bien celui de traducteur. Plusieurs journalistes, rédacteurs et écrivains se sont, en effet, joints à la fonction publique fédérale dès la Confédération, pour traduire vers le français tous les documents dont la bonne marche de l’État exigeait, qu’ils soient aussi disponibles dans l’autre langue. Leur responsabilité est grande : ils doivent traduire de l’anglais au français des documents souvent parmi les plus importants, sans en altérer le sens. Ce qui sera parfois difficile, sous la pression politique. On dit que George-Étienne Cartier aurait imposé à Eugène-Philippe Dorion, traducteur en chef à l’Assemblée législative de la province du Canada, la traduction de « dominion » par  « puissance » dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867.

Certains d’entre eux, profitant de leur connaissance intime du gouvernement, se laisseront même attirer par la carrière politique. C’est le cas de Joseph Tassé (1848-1895) qui, après avoir collaboré au Courrier de Saint-Hyacinthe, vient à Ottawa remplacer Benjamin Sulte à la direction du journal Le Canada d’Ottawa en 1868. Il devient traducteur à la Chambre des communes en 1872 avant de se porter lui-même candidat conservateur dans la circonscription d’Ottawa en 1878, circonscription qu’il représentera durant neuf ans. Joseph Tassé occupera de nombreuses fonctions politiques durant sa prolifique carrière.

La profession prend du galon en 1934 avec la création du Bureau de la traduction du gouvernement fédéral. Tous les ministères, sans exception, devront faire appel à ses services, ce qui freinera l’anarchie dans un secteur qui avait souvent été laissé entre les mains de personnes dont la seule compétence était d’être bilingue.  Les résultats aux premiers examens d’entrée du Bureau sont désastreux.

Les traducteurs fédéraux formeront au fil des ans un groupe sélect de spécialistes de la langue. Leurs travaux contribueront à la professionnalisation du métier de traducteur, ici comme ailleurs au pays. Le guide du traducteur publié par Irène de Buisseret en 1972, traversé de commentaires sur la difficulté que représente l’usage de certains mots, en est un bel exemple. Irène de Buisseret occupera un premier poste de traducteur au Secrétariat d’État en 1950. Elle terminera sa carrière au gouvernement fédéral en 1970, à titre de chef du bureau de la traduction de la Cour suprême du Canada.