C’est une figure politique du Bas-Canada, originaire de Québec, qui est maître d’œuvre du développement de la Côte-de-Sable. Pourchassé par le gouvernement britannique après la rébellion de 1838, Louis-Théodore Besserer se réfugie à Bytown en 1845. Il s’installe sur un immense terrain qu’il avait acheté quelques années plus tôt, sur la côte qui borde la rue Rideau au sud. Homme d’affaires avisé, il le fit subdiviser en plusieurs lots, dont un terrain réservé pour une église et une école afin d’attirer des familles. Il donne six lots de la rue Wilbrod pour établir le Collège de Bytown, qui deviendra plus tard l’Université d’Ottawa, sur le site qu’elle occupe encore aujourd’hui. Il ouvre plusieurs rues, dont l’une porte encore son nom. On dit que Besserer fit fortune. On dit aussi qu’il s’anglicisa rapidement et qu’il s’identifia de plus en plus aux anglophones.
Sauf quelques maisons, dont celle qu’il se fait construire en 1844, la Côte-de-Sable reste assez peu occupée jusqu’à l’arrivée du gouvernement à Ottawa en 1857 et au boom qui s’ensuit. Les fonctionnaires investissent alors le quartier, qui deviendra l’un des quartiers les plus riches et les plus prestigieux de la capitale. D’illustres Ottaviens, dont Séraphin Marion, grandiront dans la Côte-de-Sable, étudieront à l’école Garneau, fréquenteront la paroisse Sacré-Cœur.
La Côte-de-Sable accueille, outre des francophones bien nantis, des anglophones, d’origine irlandaise, anglaise, mais surtout écossaise. Les maisons victoriennes de la rue Daly reflètent cet héritage anglo-saxon. Le quartier ne résistera cependant pas aux assauts de la densification qui, durant la période de l’après-guerre, fera pousser à leur côté de nombreux immeubles multifamiliaux. L’expansion de l’Université d’Ottawa en modifiera aussi le paysage.
Le quartier, devenu celui des ambassades, restera un haut-lieu de la vie française de la capitale. Toutefois, sa population n’est plus tout-à-fait la même. Daniel Poliquin en dépeint la texture particulière dans Visions de Jude, paru en 1990 et réédité en 2000 sous le titre La Côte de Sable. Le roman ne porte pas tant sur le quartier lui-même que sur l’errance qu’il produit, à l’image de la ville tout entière:
[C]’est un quartier où l'on ne met que cinq ou six ans pour compter parmi les anciens. Il ne vit ici que des étudiants qui repartent leurs études faites, des diplomates qui restent le temps d'une affectation, des fonctionnaires vite mutés. Il n'y a qu'une poignée de sédentaires anonymes pour une légion de nomades pacifiques. Trois ans après être devenue madame Holoub de la rue Blackburn qui loue des chambres, celle que ses pensionnaires appellent affectueusement « madame Élizabeth », je faisais partie du paysage. Même la gentrification récente du quartier n’a pas cristallisé la population, car la plupart des propriétaires revendent au bout de quelques années, une fois leur profit fait1.
1Daniel Poliquin, La Côte de Sable, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2000, p. 205.
Côte-de-Sable, façade d'une maison, rue Daly, à Ottawa, 8 juillet 1975. Photo : François Roy, Le Droit.
Source : Université d'Ottawa, CRCCF, Fonds Le Droit (C71), Ph92-1064-20771COT-5.