Le mouvement C’est l’temps! : Pour ou contre la désobéissance civile ?

Matière: 
Histoire
Niveau: 
Secondaire

Objectifs pédagogiques

L’élève devra :

  • Utiliser le processus d’enquête afin de poser un jugement éthique sur la campagne de désobéissance civile menée par des francophones de l’Ontario dans les années 1970 
  • Préciser les raisons qui ont motivé certains citoyens francophones à s’opposer aux lois et aux règlements ontariens
  • Mettre en contexte les événements à la lumière des valeurs et des attitudes de l’époque
  • Communiquer clairement ses idées lors de travaux d’équipe et de discussions orales et écrites. 
Volet POUVOIR : C’est l’temps ! 

Mise en contexte

Le mouvement de contestation populaire C’est l’temps ! voit le jour à l’automne 1975. Il n’exige rien de moins que « la reconnaissance officielle des francophones comme citoyens à part entière » de l’Ontario. Dans la foulée des promesses du premier ministre provincial Bill Davis d’offrir des services administratifs et judiciaires en français, le mouvement revendique le droit des Franco-Ontariens de s’exprimer en français devant les tribunaux de leur province. Il demande en outre que les lois de l’Ontario soient accessibles en français, comme elles le sont d’ailleurs au Québec et au Nouveau-Brunswick.  Les chefs de file du mouvement invitent les francophones à refuser de témoigner en anglais devant les tribunaux de la province et à exiger un exemplaire en français de tout document légal, incluant les permis de conduire, les contraventions et les formulaires de changement d’adresse. Plus d’une vingtaine de personnes seront emprisonnées pour avoir refusé de payer leurs contraventions rédigées en anglais. L’appui au mouvement C’est l’temps ! vient de partout et prend une envergure nationale lorsque le maire de Hull se fait lui aussi emprisonner en appui à la cause. Mais certains s’opposent ouvertement au mouvement. On remet en question la légitimité de ces gestes de « désobéissance civile », c’est-à-dire le refus assumé de se soumettre aux lois établies. La situation attire l’attention des élus ontariens, qui vont alors se pencher sur la question des droits linguistiques (droits liés à la langue ou au langage) des francophones devant les tribunaux. En 1984, la nouvelle Loi sur les tribunaux judiciaires reconnaît l’anglais et le français comme langues des tribunaux de l’Ontario. 

À partir de l’analyse de la thématique, « C’est l’temps ! », croyez-vous que la désobéissance civile de citoyens francophones de l’Ontario était légitime à l’époque ? Les élèves devront répondre à cette question d’analyse historique sous la forme d’une enquête virtuelle en considérant le contexte, les valeurs et les lois ontariennes en vigueur dans les années 1970. Pour les fins de cette activité, le concept de légitimité fait référence à ce qui est considéré comme bien ou fondé sur le plan éthique. 

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Ressources additionnelles :
 

Déroulement de l’activité

Mise en situation

L’enseignant(e) rappelle aux élèves la démarche d’enquête nécessaire à la réalisation de l’activité, soit le débat sur la légitimité de la désobéissance civile. Ce processus vise à amener l’élève à répondre à la question d’analyse présentée dans l’activité, à l’aide de son sens critique. Ce processus comprend les étapes suivantes :

  • Formuler des questions d’analyse (Quelle est ma question de départ ? Que dois-je résoudre ?)
  • Recueillir les sources et organiser l’information (Quelles sont les sources et les données disponibles ?)
  • Analyser et interpréter les informations recueillies (Que révèlent les sources ? Quelles sont les preuves ?)
  • Évaluer et tirer des conclusions (Quelles conclusions peut-on tirer de cette analyse ?)
  • Communiquer les résultats de l’enquête (Quelle est ma réponse à la question ?)

Explications d’ordre méthodologique 

L’enseignant(e) explique aux élèves le travail à accomplir lors de cette activité, soit analyser la dimension éthique de la campagne de désobéissance civile menée par des francophones de l’Ontario, telle que présentée dans l’exposition virtuelle, « C’est l’temps ! » et rédiger une lettre à un élève canadien d’une autre province ou d’ailleurs en Ontario dans laquelle il explique son engagement ou son refus de s’engager dans une autre campagne, telle que Ottawa, ville bilingue.  

L’enseignant(e) présente ensuite la notion de désobéissance civile et explique qu’elle fait référence au refus assumé d’une personne ou d’un groupe de personnes de se soumettre à la loi établie. Au Canada, la désobéissance civile n’est pas reconnue par les tribunaux et est donc punissable devant la loi. Mais dans certains cas, des citoyens ont utilisé la désobéissance civile (transgresser volontairement une loi) en invoquant la défense de nécessité, c’est-à-dire que l’on peut, en cas extrême, violer une loi parce que celle-ci entre en conflit avec des principes et des valeurs sociales plus fondamentales. Dans ces cas particuliers, il faut alors démontrer que les lois en place sont injustes. Les chefs de file du mouvement de contestation populaire C’est l’temps ! soutenaient que les lois ontariennes anglaises étaient en conflit avec les lois et les valeurs canadiennes en matière de bilinguisme.

L’enseignant explique ensuite aux élèves que la question de la légitimité de la désobéissance civile est un enjeu d’importance historique lié à la dimension éthique. À plusieurs égards, nous sommes confrontés à la dimension éthique dans nos rapports au passé. Par exemple, est-il justifié de célébrer le jour du Souvenir le 11 novembre de chaque année ? Devrions-nous accepter ou condamner la désobéissance civile de citoyens qui se sont opposés aux lois unilingues anglaises de l’Ontario ? Pour répondre à toutes ces questions, il est important de bien saisir les dimensions du jugement éthique. 

Les jugements éthiques sont des évaluations du passé ou des actions accomplies par nos prédécesseurs, qui sont étudiées à la lumière de nos valeurs contemporaines tout en tenant compte des conditions et du contexte de l’époque ainsi que des normes en usage au moment des événements.

Pour bien comprendre le jugement éthique en histoire, l’enseignant(e) présente aux élèves les principes suivants :

  • Les jugements éthiques représentent une forme particulière de jugements de valeur. Ce ne sont pas tous les jugements qui sont de nature éthique, mais seulement ceux qui servent à défendre ou à condamner une pratique ou une idée perçue comme étant justifiable sur le plan éthique, c’est-à-dire au regard des comportements humains (p. ex., la vie moderne du 21e siècle est beaucoup mieux que celle de nos grands-parents). 

  • Les jugements éthiques en histoire doivent prendre en considération le contexte de l’époque. La formulation de jugements éthiques s’appuie sur les valeurs et les normes de la société d’aujourd’hui (p. ex., l’égalité des sexes). Il serait tout à fait imprudent de les imposer à nos ancêtres sans tenir compte du contexte historique, car plusieurs pratiques ou comportements jugés révolus de nos jours étaient fort acceptables à une autre époque (p. ex., le travail obligatoire des enfants). Nous pouvons condamner les actes du passé, mais il faut le faire de manière juste en les replaçant dans leur contexte de façon à ne jamais négliger les croyances et les valeurs de l’époque (p. ex., était-il acceptable dans les années 1970 d’avoir des lois unilingues anglaises en Ontario ?). 

  • La réserve et la prudence sont de mise avant d’exprimer un jugement éthique. En histoire, il est primordial de ne pas formuler de jugement personnel avant d’avoir étudié toute la question, car il est souvent hasardeux d’émettre un blâme ou de poser un jugement moderne sans avoir au préalable consulté toutes les sources et pris en considération le contexte particulier de l’époque (p. ex., la désobéissance civile était-elle possible et justifiée dans les années 1970 au Canada ? Sous quelles conditions ?).

Enfin, l’enseignant(e) souligne que, lorsqu’on s’intéresse au jugement éthique, il faut également s’intéresser à la responsabilité des acteurs relativement aux actions qu’ils ont accomplies ou non. Pour ce faire, il faut prendre en considération deux types de responsabilité : la responsabilité des témoins de l’histoire et celle des générations subséquentes. Ainsi, il est important de déterminer la responsabilité que peuvent partager certains individus (premier ministre, maire, chef de police, etc.) ou certaines organisations (gouvernement, système judiciaire, etc.) dans le cours de l’histoire. Mais il est aussi important d’établir quelle est la responsabilité possible des générations subséquentes pour des actes commis à une certaine époque (p. ex., dans quelle mesure les gens d’aujourd’hui ont-ils des responsabilités par rapport aux décisions prises à d’autres époques ?).

Application 

L’enseignant(e): 

  • Explique aux élèves le travail à accomplir lors de cette activité, soit un débat en classe, et présente la question de recherche : croyez-vous que la désobéissance civile de citoyens francophones de l’Ontario était légitime à l’époque ?
  • Demande à chaque élève de prendre position sur cette question, selon une échelle d’évaluation allant de totalement en désaccord (0) à totalement en accord (10).
  • Invite quelques élèves à exprimer leur position sur la question.
  • Distribue à chaque équipe la Fiche de travail 1 sur l’analyse de la dimension éthique, qui servira à organiser et à analyser l’information des élèves pour le débat.
  • Explique que leur travail visant à analyser la dimension éthique de la désobéissance civile lors de la campagne C’est l’temps ! doit prendre en considération :
    • le contexte historique (quelles étaient les positions, les valeurs et les lois en place lors de la campagne de désobéissance civile de 1970 ?) 
    • le contexte contemporain (quelles sont les positions, les valeurs et les lois actuellement en place dans la société ontarienne ?) 
  • Présente ensuite la Fiche de travail 2 sur l’autoévaluation du débat afin d’amener les élèves à réévaluer leur position initiale à la lumière des arguments des autres.
  • Invite les élèves à consulter la section de l’exposition virtuelle sur la campagne C’est l’temps !
  • Observe et guide le travail des élèves dans l’analyse des diverses sources et des données provenant de l’exposition virtuelle.
  • Encourage les élèves à bien lire et décoder les sources historiques qui sont incluses dans l’exposition virtuelle afin d’y trouver les informations pertinentes et les preuves nécessaires pour appuyer leur position.
  • S’assure que chaque élève remplisse la Fiche de travail 1 et fournisse une réponse détaillée à la question d’enquête (utiliser le verso de la feuille de travail au besoin).

Discussion

L’enseignant(e) :

  • Dispose les pupitres en forme de « U » afin de favoriser un échange qui facilite les interactions et les changements possibles de position.
  • Demande aux élèves de choisir une place en fonction de leur évaluation de la question en rappelant que chaque extrémité du U représente une position clairement établie : « totalement en accord » ou « totalement en désaccord » (puisqu’il est possible que plus d’un élève ait la même position, l’enseignant peut alors assigner des places en conséquence).
  • Lance le débat en invitant les élèves situés aux extrémités du U à présenter leur point de vue en citant une raison à l’appui de leur position tirée de leur Fiche de travail 1.
  • Poursuit le débat en interrogeant les élèves assis à différentes places de manière à présenter différents points de vue sur la question et à engager un échange (l’enseignant(e) peut également présenter des points de vue différents, au besoin).
  • Demande aux élèves de remplir la Fiche de travail 2 sur l’autoévaluation du débat.
  • Invite les élèves à reconsidérer leur position initiale en fonction des arguments présentés par leurs camarades et à changer de place dans la classe, au besoin.
  • Recueille les Fiches de travail 1 et 2  pour fournir une réponse détaillée à la question d’enquête. 

Suggestion d’exploitation

Pour favoriser une mise en application des apprentissages, l’enseignant(e) : 

  • Demande aux élèves de considérer les répercussions du mouvement C’est l’temps ! en considérant un autre débat entourant les questions francophones, mais, cette fois-ci, dans un contexte contemporain.
  • Invite les élèves à consulter la section de l’exposition virtuelle, « Ottawa officiellement bilingue ? ».
  • Indique aux élèves de faire appel aux principes de jugement éthique présentés précédemment dans l’activité. 
  • Demande aux élèves, individuellement ou en équipe de deux, d’analyser la dimension éthique d’un autre débat de société, tel que celui concernant Ottawa, ville bilingue, présenté dans l’exposition virtuelle. Cet exercice servira à la rédaction d’une lettre à un élève canadien d’une autre province ou d’ailleurs en Ontario dans laquelle il explique son engagement ou son refus de s’engager dans une autre campagne, telle que celle menée par le Mouvement pour une capitale du Canada officiellement bilingue. La rédaction de cette lettre peut être une activité individuelle ou en petits groupes de réflexion sur la dimension éthique.