Gardiens de la foi et de la langue : les Oblats de Marie-Immaculée

C’est à la demande de l’évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget, que les Oblats s’établissent à Bytown en 1844, dans le but de structurer la vie religieuse de la population catholique grandissante. Ils ne s’en doutent pas encore, mais ils seront inextricablement liés, dès lors, au destin de la communauté francophone d’Ottawa ainsi qu’aux débats qui soulèveront ses passions.

Fondée à Marseille (France) en 1816 par Eugène de Mazenod, la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée (o.m.i.) est vouée à l’évangélisation des pauvres. Elle n’est en mission au Canada que depuis trois ans à peine lorsqu’elle débarque à Bytown. Rien, donc, ne la prédispose à jouer un rôle d’animation culturelle et nationale particulièrement important au Canada français.

Les premiers Oblats à s’installer dans la future capitale du Canada sont tous originaires de France. Ils conçoivent leur rôle comme essentiellement religieux, plutôt que comme linguistique ou culturel. Or la population catholique de la région est mixte, c’est-à-dire qu’elle est composée à la fois de Canadiens français et d’Irlandais, deux groupes qui se livrent à l’époque une concurrence féroce, parfois violente, pour le contrôle des chantiers forestiers de la vallée de l’Outaouais. Les Oblats préfèrent conserver leur neutralité. Ils mettront donc sur pied des structures adaptées à la dualité linguistique et culturelle des fidèles catholiques de la région.

Le diocèse de Bytown, érigé en 1847, est donc bilingue. Il regroupe sans discrimination les catholiques canadiens-français et irlandais. Mgr Joseph-Bruno Guigues, supérieur de la congrégation au Canada nommé à la tête du nouveau diocèse, le défend âprement. Il impose le bilinguisme à la cathédrale. Il le prône aussi pour le ministère des prêtres, qu’il veut voir œuvrer au sein des deux communautés linguistiques. C’est ainsi qu’il dira qu’on « exagère d’ailleurs la difficulté de desservir une congrégation irlandaise. Un prêtre français qui a un peu l’habitude de l’anglais peut la desservir et le fait souvent avec plus de succès qu’un prêtre irlandais…1»

Le Collège de Bytown qui deviendra l’Université d’Ottawa, fondé par Mgr Guigues en 1848, sera aussi bilingue. Les Oblats à qui il en confie la direction tenteront de rapprocher les deux groupes linguistiques en les réunissant dans les mêmes classes et en leur prodiguant un enseignement bilingue. Mais ici comme dans les autres institutions qu’ils créeront dans la région d’Ottawa, les Oblats se buteront à la volonté grandissante des anglophones de la province d’affirmer son caractère anglais et protestant. Et ils se trouveront, bien malgré eux, mêlés aux grandes questions nationales qui opposeront Canadiens anglophones et francophones, notamment sur la question de l’école.

 

1 Propos rapportés par Robert Choquette, L’Église catholique dans l’Ontario français du dix-neuvième siècle, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1984, p. 151.

i

Des séminaristes sur une rivière chez les Oblats de Marie-Immaculée à [Ottawa], [1910-1914].

Université d'Ottawa, CRCCF, Fonds Georges-Michaud (P62), Ph59-707.

Photographie en noir et blanc de quatorze séminaristes qui pagaient sur une rivière. Ils sont répartis dans deux canots, dont les noms - St Joseph et St Patrice – sont peints en blanc à l’avant de l’embarcation. Ils s’éloignent d’un petit pont de bois.