Le 11 avril 1988, Chris Ward, ministre de l’Éducation, dépose le projet de loi 109 à l’Assemblée législative, loi créant le Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton. Les écoles de langue française de la région seront désormais gérées par et pour des francophones, du moins dans la région d’Ottawa. C’est le couronnement de vingt-cinq ans de revendications scolaires auprès du gouvernement provincial et de querelles intestines au sein de la communauté franco-ottavienne autour des questions de langue et de foi en éducation.
C’est en 1963, à l’occasion du congrès de l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario que s’exprime pour la première fois la volonté des francophones de gérer leurs écoles. L’idée de regrouper sous une même structure toutes les écoles françaises de la région d’Ottawa-Carleton est reprise plusieurs fois dans les années subséquentes, alimentée par des statistiques alarmantes sur l’assimilation des francophones. Vu le rôle grandissant de l’école comme point de ralliement de la communauté, il en va de la survivance même de la minorité.
Les défenseurs d’un conseil scolaire de langue française pour Ottawa-Carleton reçoivent un appui de taille en 1976. La commission Mayo, créée pour évaluer la structure du gouvernement local dans Ottawa-Carleton, élargit son mandat pour inclure les questions d’éducation. Après une vaste consultation auprès des francophones de la région, elle recommande la création d’un conseil scolaire de langue française.
Galvanisé par cette victoire « morale », le Conseil régional de l’Association canadienne-française de l’Ontario en fait l’un de ses dossiers prioritaires. Le Front commun pour le regroupement des écoles françaises de la région dans un système scolaire français, formé l’année suivante, marque une avancée importante. La mise sur pied d’un outil concret pour réaliser ses ambitions, le Conseil de planification scolaire d’Ottawa-Carleton, qui réunit les 32 conseillers francophones de la région, en marque une autre. Ce conseil « parallèle » travaille sur certains dossiers d’intérêt commun, préparant en quelque sorte la transition vers un conseil scolaire qui regrouperait toutes les écoles françaises, catholiques et publiques, de la région d’Ottawa-Carleton.
Cependant, l’unanimité est loin d’être acquise chez les francophones d’Ottawa. Plusieurs chefs de file de la communauté militent pour protéger ses droits religieux et revendiquent des conseils scolaires francophones qui seraient catholiques. Mais Mgr Joseph-Aurèle Plourde, archevêque d’Ottawa, réussira à les convaincre de se mobiliser plutôt autour de l’idée d’un conseil scolaire de langue française où cohabiteraient des écoles catholiques et publiques.
Le gouvernement conservateur de l’Ontario, dirigé par Bill Davis, s’y oppose fermement. Il propose plutôt la création de sections linguistiques à l’intérieur des conseils scolaires, qui disposeraient d’une autonomie élargie en matière pédagogique. Et il choisira de consolider le système scolaire confessionnel en parachevant le financement gouvernemental aux écoles secondaires catholiques, en 1984. Dès lors, le Front commun s’effrite. Les conseils catholiques mettent sur pied des écoles secondaires francophones, tandis que les conseils publics ouvrent des écoles élémentaires francophones, jusque-là très peu nombreuses.
L’arrivée au pouvoir des libéraux à Queen’s Park, en 1985, plus sympathiques aux revendications des francophones, remet le projet à l’avant-scène. Le comité d’étude créé le 12 décembre 1985 fait place à un comité de planification en mai 1987. C’est à nul autre que Maurice Lapointe, propulsé à l’avant-scène l’année précédente par ses propositions particulièrement audacieuses quant au modèle opérationnel pour le futur conseil scolaire de langue française pour Ottawa-Carleton, qu’on confiera le mandat de diriger le comité. La loi 109, instituant le Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton, est adoptée par la Législature ontarienne le 29 juin 1988.
Inauguration du Conseil scolaire de langue française [d']Ott[awa-]Carleton. À gauche, Aurèle Lalonde, président. Photo : M[ichel] Tessier, Le Droit, 28 novembre 1989.
Université d'Ottawa, CRCCF, Fonds Le Droit (C71), Ph92-7-281189CSLFOC-27.