Capsule

Agir et célébrer : la Société Saint-Jean-Baptiste d’Ottawa

La Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) est fondée en 1853, un an à peine après l’Institut canadien-français. La mission de la SSJB d’Ottawa est calquée sur celles de Montréal (1834) et de Québec (1842). Le nouvel organisme est une société patriotique et catholique dont la fonction première est d’organiser les festivités entourant le 24 juin, fête de saint Jean-Baptiste, patron des Canadiens français.

À l’instar de ses consœurs du Québec, la SSJB d’Ottawa se donne aussi une mission politique en cherchant à défendre les droits linguistiques des francophones d’Ottawa et de l’Ontario. Comme ses dirigeants l’expliquent en 1906, son objectif est de 

[g]rouper tous les Canadiens-Français (sic) de la province d’Ontario dans une Fédération (sic) puissante, animée d’un véritable esprit d’union et guidée par des aspirations vraiment patriotiques à l’égard de tout ce qui concerne la religion et la race; [et de] disposer d’une force vivante et courageuse prête à marcher sur le terrain social et politique pour la défense du drapeau1.

La SSJB a cependant du mal à assumer ce rôle de mobilisation politique à grande échelle, faute de ressources. À preuve, l’élite canadienne-française d’Ottawa lui dame le pion en 1910 en fondant en grande pompe l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (ACFÉO). C’est d’ailleurs l’ACFÉO qui assumera pleinement la direction de la résistance franco-ontarienne au Règlement XVII (1912-1927). En 1939, la SSJB d’Ottawa réalise toutefois son grand projet en mettant sur pied la Fédération des sociétés Saint-Jean-Baptiste de l’Ontario pour regrouper sous un même toit les nombreuses sociétés sœurs qui se sont multipliées dans la province au fil des années.

Durant les années 1940 et 1950, la fête de la Saint-Jean-Baptiste prend une ampleur sans précédent. Une armée d’artisans provenant de toutes les paroisses canadiennes-françaises d’Ottawa s’active pour organiser le défilé annuel, construire les chars allégoriques et solliciter le financement des gens d’affaires francophones. Les festivités du 24 juin permettent donc aux Canadiens français d’Ottawa d’occuper collectivement la place publique et de célébrer leur identité dans une atmosphère ludique. La SSJB vit alors ses plus beaux moments. Elle déclinera ensuite. En effet, dans le contexte des bouleversements idéologiques et culturels des années 1960, la SSJB d’Ottawa est considérée par plusieurs, surtout au sein de la jeunesse franco-ontarienne, comme trop traditionnelle et conservatrice. Elle périclite et disparaît peu de temps après, dans une indifférence quasi générale.

 

 

1 Propos rapportés dans René Dionne, « 1910. Une première prise de parole collective en Ontario français », Cahiers Charlevoix, no 1, 1995, p. 43.