Entraide sociale et solidarité nationale

Au seuil de sa 150e année d’existence, la mutuelle Union du Canada Assurance-Vie, située à l’angle des rues George et Dalhousie, déclarait faillite sur fond d’allégations d’abus de pouvoir, d’intimidation et de conflits d’intérêts à l’endroit de son ex-président. Cette fin de parcours dans la controverse projetait une ombre sur le passé de cette mutuelle qui, pendant longtemps, fut un maillon très important du réseau institutionnel canadien-français.

L’Union Saint-Joseph est fondée à Ottawa en 1863 par deux cordonniers originaires de Joliette. Elle voit le jour dans un contexte d’effervescence des mouvements mutualistes et coopératifs en Amérique du Nord, qui aspirent alors à contrecarrer les effets pervers de la révolution industrielle et de l’urbanisation massive sur la classe ouvrière. Inspirée des méthodes de prévoyance des associations mutualistes québécoises, elle offre à ses membres une sécurité sociale en cas de maladie ou de décès qui leur évite d’avoir recours à l’assistance publique, une solution qui est alors très mal perçue dans la plupart des milieux. À ses débuts, les membres sont surtout formés de représentants de la jeune classe travaillante d’Ottawa composée de forgerons, d’ébénistes, de peintres, de bouchers, de maçons et de tailleurs de pierre.

Bon nombre d’associations mutualistes disparaissent après l’épuisement de ce modèle associatif au tournant du xxe siècle. Mais l’Union Saint-Joseph d’Ottawa, qui deviendra l’Union Saint-Joseph du Canada en 1905, fait au contraire montre d’une surprenante longévité. Selon l’historien Pierrick Labbé, « ce fut la situation socio-politique des Canadiens français d’Ottawa qui influença sa destinée au moment où elle tenta d’éviter la faillite1». Sans pour autant délaisser sa vocation initiale d’entraide sociale et de bienfaisance à l’échelle locale, l’Union Saint-Joseph élargira sa mission en lui donnant une vocation nationale orientée vers la survie de la culture canadienne-française. En devenant membre, le sociétaire prêtait un serment de fidélité à la foi catholique et à la langue française et s’engageait à en assurer la défense en sol canadien.

En associant la prévoyance à l’épanouissement du projet national canadien-français, l’Union, qui maintiendra son bureau central à Ottawa, développera un vaste réseau de succursales dans l’ensemble du Canada français et même aux États-Unis. Elle prendra également part à diverses luttes pour la défense des droits et des intérêts des francophones. C’est ainsi qu’on la retrouve impliquée dans le mouvement qui donne naissance à l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (ACFÉO), en 1910, ainsi que dans la lutte qui s’organise contre le Règlement XVII, qu’elle critique notamment dans les pages de son journal Le Prévoyant.

En 1959, l’Union Saint-Joseph devient l’Union du Canada, une compagnie d’assurance vie d’envergure nationale similaire à la plupart des grandes compagnies de ce secteur d’activité économique. Peu avant sa mise en liquidation judiciaire, l’Union gérait environ 22 000 polices d’assurance dans l’ensemble du Canada, avec une clientèle surtout concentrée au Québec.

 

1 Pierrick Labbé,  « L'Union fait la force ! », L'Union Saint-Joseph d'Ottawa/du Canada 1863-1920, Ottawa, Les Presses de l'Université d'Ottawa, 2012, p. 166.

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Personnel au siège social de l'Union Saint-Joseph du Canada, Ottawa, Ottawa, [ca 1950].

Université d'Ottawa, CRCCF, Fonds Union du Canada (C20), Ph20-58.

Photographie en noir et blanc de l’intérieur d’un bureau à plan ouvert. Vus de l’avant de la pièce, huit hommes et quatre femmes sont assis à des bureaux, en train de travailler. De larges fenêtres parent un des murs.