Premiers actes de la vie théâtrale

Dès la fondation d’Ottawa, le théâtre se situe au cœur de la vie culturelle de la ville. Selon Marcel Fortin, pas moins de 489 représentations théâtrales de langue française ont lieu dans la capitale nationale entre 1850 et 1913. Ce nombre est d’autant plus impressionnant lorsqu’on songe à la taille réelle d’Ottawa à l’époque, qui fait pâle figure comparativement à des métropoles comme Montréal ou Toronto. C’est que la fonction publique fédérale assure à ces représentations un public de spectateurs instruits et fidèles. 

Le nombre de représentations ne cesse d’augmenter par la suite : ce sont 894 représentations entre 1913 et 1930, 1181 entre 1930 et 1940 et environ 750 par décennie de 1940 à 1960. Si Ottawa compte plusieurs troupes de théâtre amateur, une forte proportion de ces pièces est présentée par des compagnies de théâtre en provenance du Québec, des autres provinces du Canada ou de France. C’est ainsi que le Cercle Molière de Saint-Boniface, qui compte parmi ses comédiens une certaine Gabrielle Roy, se rend à Ottawa en 1934 pour participer au Festival national d’art dramatique, dont il remporte le trophée pour les pièces françaises. Les pièces montées à cette époque appartiennent surtout au théâtre de répertoire; les créations locales se font plus rares.

Lucie Hotte et Johanne Melançon, spécialistes de la littérature franco-ontarienne, ne dénombrent qu’une quarantaine de dramaturges ottaviens qui commettent des pièces entre 1850 à 1968.  Parmi ceux-ci, Régis Roy occupe une place toute spéciale. Né en 1864, il est le tout premier écrivain de langue française né en Ontario. Son grand-père a été l’un des pionniers de Bytown, où il s’est installé en 1830, alors que la ville n’était encore qu’un village forestier.

Après des études à l’Académie De-La-Salle, Régis Roy, comme bien des écrivains ottaviens après lui, fera carrière dans la fonction publique fédérale. Mais c’est à titre d’écrivain qu’il se fait un nom. Auteur prolifique, Roy s’est essayé à presque tous les genres littéraires : pièces de théâtre, contes, nouvelles, romans et ouvrages historiques. Son genre de prédilection est néanmoins la comédie, qu’il explore dans la pièce Nous divorçons !, publiée à Montréal en 1897.

Cette pièce met en scène un couple, Louis et Claire, qui demande le divorce, un sujet très avant-gardiste pour l’époque. Il faut savoir que, jusque dans les années 1960, les couples canadiens qui souhaitaient divorcer devaient obtenir l’autorisation du Sénat du Canada. Dans la pièce, la difficulté de divorcer est abordée par un jeu de mots : l’avocat du couple prétend que la séparation est impossible car Claire deviendrait sourde et Louis, aveugle. En effet, comme l’explique Louis à son épouse : « Claire perdrait Louis, et je ne verrais plus Claire1». Heureusement, le couple avait déjà choisi de demeurer uni. Mais cette réplique finale illustre bien tout l’humour de Roy !

 

1 Régis Roy, « Nous divorçons ! », dans Mariel O’Neill-Karch et Pierre Karch (dir.), Théâtre comique de Régis Roy (1864-1944), Ottawa, Éditions David, coll. « Voix retrouvées », 2006, p. 153.

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Un groupe de comédiens, parmi lesquels figure Léonard Beaulne, à l'avant, tenant un bâton, [ca 1912].

Université d'Ottawa, CRCCF, Fonds Léonard-Beaulne (P198), Ph164-262.

Photographie sépia d’un groupe d’une trentaine d’hommes, debout en demi-cercle, posant pour la caméra. Ils portent costumes et cravates, sauf pour deux d’entre eux, qui ont des kilts. Au centre, un homme assis sur le sol devant deux tambours. Derrière le groupe, cinq hommes sont assis sur une plateforme, devant laquelle est drapé un drapeau britannique.