À ses débuts, Bytown n’a pas d’existence légale. La localité fait partie intégrante du canton de Nepean, qui lui-même relève du district de Bathurst, dirigé depuis Perth, localisé à une centaine de kilomètres au Sud. Il faudra attendre jusqu’en 1847 pour qu’elle soit incorporée et qu’elle puisse se donner un gouvernement municipal, des lois et des règlements.
Bytown ayant été laissée à elle-même ou presque pendant près de 20 ans, les premiers élus locaux - des marchands, des entrepreneurs forestiers, des propriétaires terriens et autres spéculateurs - n’auront aucun mal à s’entendre sur les enjeux les plus pressants. Condition première de la bonne marche de leurs affaires, le maintien de l’ordre, qui faisait cruellement défaut dans ce qui n’était alors qu’un camp de bûcherons mal famé, sera leur priorité. Ils s’engageront dans la construction des rues, qui sont en piètre état. L’approvisionnement en eau, autant pour boire que pour lutter contre les incendies, sera aussi une préoccupation.
Mais des conflits surgissent rapidement, reflet de la diversité ethnique et religieuse de Bytown. Aux francophones et aux Irlandais catholiques, d’un côté, s’opposent les protestants, de l’autre. Les premiers se rangent sous la bannière des réformistes (réunis sous le Parti libéral), plus enclins à reconnaître l’identité culturelle des Canadiens français. Les seconds se rallient aux conservateurs, ardents défenseurs de l’Empire britannique et de ses représentants. Les deux grands groupes politiques qui s’affrontent alors au Canada tentent, ici comme ailleurs au pays, de prendre les commandes de la ville naissante. Ils se livreront une bataille sans merci pour former le gouvernement municipal et y défendre leurs idées.
Comme chacun de ces groupes occupe un territoire distinct, le découpage électoral devient un enjeu important. Le gouvernement conservateur, qui crée la corporation de Bytown en 1847, donne ainsi au district « West », à la Haute-Ville, un pouvoir presque équivalent aux deux autres districts, « South » et « North », situés dans la Basse-Ville majoritairement francophone. Le premier district élira trois représentants pour quelque 234 propriétaires. Les deux autres éliront ensemble quatre représentants pour 645 propriétaires. Toutefois, en 1850, le gouvernement réformiste de l’époque doit réincorporer Bytown suite à un désaveu de la loi d’incorporation votée trois ans plus tôt, et un nouveau découpage est promulgué. La Haute-Ville n’élira plus que deux représentants, et les réformistes de la Basse-Ville formeront dès lors la majorité. Et comme ce sont les représentants qui désignent celui qui, parmi eux, occupera le fauteuil de maire, c’est un réformiste qui sera choisi pour occuper cette fonction.
L’ajout de deux nouveaux districts en 1855, lors de la création de la Cité d’Ottawa, bénéficiera aux francophones. Les représentants du district Victoria situé dans le secteur des plaines LeBreton et St. George’s dans la Côte-de-Sable sont eux aussi des réformistes. Ils feront avorter les tentatives des conservateurs de subdiviser le district de Wellington pour refléter la croissance de la ville à l’ouest du canal Rideau jusqu’en 1889, préservant le pouvoir de la Basse-Ville sur les affaires de la Cité.
Hôtel de ville, démoli en 1874. Première mairie d'Ottawa, située sur la rue Elgin, qui a également servi de « West Ward Market Building », [ca 1840-1874].
Bibliothèque et Archives Canada, Charles Berkeley Powell Fonds [graphic material, textual record, object] (R11188-0-4-E), C-002185.